Franz PETREI
Né le 3 février 1922 à Bleiburg en Carinthie dans le sud de l'Autriche, enrôlé dans l'armée allemande, déserteur, rejoint la Résistance FTPF, participe à des actions contre l'ennemi.
Franz PETREI, né le 3 février 1922 à Bleiburg en Carinthie dans le sud de l'Autriche, région bilingue (on y parle l'allemand et le slovène).
Issu d'une famille profondément anti-nazie ses parents ont refusé l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne de HITLER et à cause de cela durent subir diverses brimades et répressions.
Obligé d'interrompre ses études pour être enrôlé dans la l'armée allemande (Deutsche Wehrmacht) en 1941. Il est affecté dans un premier temps en Yougoslavie où il est chargé d'apprendre l'allemand aux jeunes Yougoslaves, déjà il entre en contact avec des partisans de TITO.
Arrivée en France
Son unité est envoyée ensuite en France sur une base à Auxerre dans l'Yonne, puis à Morlaix dans le Finistère et enfin au terrain d'aviation de Servel près de Lannion dans les Côtes-du-Nord à la fin de l'année 1942, base importante de la Luftwaffe l'armée de l'air allemande où de nombreux travailleurs français travaillent à l'aménagement des pistes d'aviation.
Au terrain d'aviation de Servel avec un groupe de camarades autrichiens anti-nazis il entretenait des discussions sur le plan politique d'opposition à HITLER.
Franz s'était lié d'amitié avec plusieurs des ouvriers du camp d'aviation dont René ARGENTIN (le malheureux sera tué lors des combats pour la Libération de Lannion, il y travaillait comme soudeur). Ayant des contacts avec des membres actifs de la Résistance, Franz les aide à subtiliser de l'essence, à commettre des actes de sabotages (en particulier sur les douilles de bandes de mitrailleuses), à leur transmettre des informations et renseignements.
La situation pour son groupe devient de plus en plus difficile, un de ses amis est sanctionné par une mutation dans une compagnie disciplinaire, il sera tué peu après.
Au camp d'aviation le 18 mai 1944, deux Résistants FTPF (Francs Tireurs et Partisans Français) sont fusillés, commence alors une série de fusillades et d'assassinats qui ne devait se terminer que par la Libération du secteur de Lannion le 6 août 1944. Les résistants arrêtés étaient soumis systématique aux tortures les plus raffinées et bestiales.
Après ces exécutions, ne supportant plus les atrocités commises par l'occupant, Franz décide de déserter, ce qui n'était pas une chose simple à réaliser, il n'était pas le seul a avoir eut ces intentions mais quant à franchir le pas, ce n'était pas un petit problème à résoudre sans des appuis de l'extérieur.
La désertion
C'est le 27 mai 1944, en soirée qu'il décide de partir, il se trouve au camp d'aviation, il invite ses camarades allemands et autrichiens à venir prendre un verre, afin que l'on ne le soupçonne pas de ses intentions. La soirée est bien arrosée, mais Franz ne boit que de petites gorgées, d'autre part il se plains de maux de ventre, simulant un état malade.
Vers 23 heures, heure à laquelle tout le monde doit être rentré, il prend le chemin du retour avec ses camarades, mais en cours de route il les quitte pour se diriger discrètement par des petites routes en direction de Brélévenez, emportant avec lui son fusil Mauser qu'il ne quittera plus avec des munitions en particulier des balles explosives et des grenades.
Il avait pris soin avant de partir de se chausser de chaussures souples pour éviter de faire du bruit et s'était enduit de poivre pour tromper toute recherche par les chiens.
Il se rend à Brélévenez chez une française Yvonne LE QUELLEC (demeurant en bas des escaliers, l'ayant connu au camp d'aviation, elle y travaillait comme femme de ménage), il y dépose ses armes, puis il va se cacher chez René ARGENTIN, qui habite le bas de la rue des Chapeliers, il y passe la nuit, on peut supposer qu'il ne put dormir beaucoup.
Le lendemain de sa désertion, une rafle est organisée par l'occupant, le capitaine MAURICE (Corentin ANDRE) et Franz sont hébergés chez Madame Cécile TENSORER, le Capitaine MAURICE monte sur le toit de la maison d'où il peut assister caché derrière une grande cheminée à une partie de l'opération de police, la maison de Madame TENSORER donnant en partie sur la place du centre de Lannion, Franz quant à lui est caché pendant un moment entre le plafond et le toit. En cas de fouille de la maison ils peuvent passer dans la maison mitoyenne par de petites fenêtres.
Durant la rafle, Madame LE TENSORER servira à Franz et au capitaine MAURICE un plat de pommes de terre avec une omelette et une petite piquette pour boisson.
Corentin ANDRÉ, le capitaine MAURICE raconte :
Franz est en contact avec la résistance depuis plusieurs mois avant sa désertion. Au camp de Servel, il aide des résistants à subtiliser de l'essence aux allemands, en faisant le guet et à commettre des actes de sabotage comme par exemple démonter des douilles de bandes de mitrailleuses.
Il déserte l'armée nazie, le 27 mai 1944, aidé de René ARGENTIN qu'il a connu sur le camp d'aviation et qui sera tué par la suite lors
de la libération de Lannion, chez lequel il se rend le soir même, emportant avec lui son fusil Mauser, des munitions et des grenades qui seront entreposés chez une française à Brélévenez Yvonne LE QUELLEC.
Dès le lendemain les allemands s'abattent sur la ville, vraisemblablement en partie pour rechercher le déserteur. Pendant toute la journée, tandis que la rafle se poursuit dans les rues, Franz reste camouflé entre le plafond et le toit d'un immeuble situé en bas de la rue de Chapeliers. Pour ma part je me trouve caché sur le toit voisin derrière une cheminée, d'où je vois la place du centre et les gesticulations de l'armée allemande.
En fin d'après-midi, des camarades locaux viennent nous prévenir que la rafle est terminée, et qu'il est possible de quitter notre cache.
Vers 17 heures, on nous a apporte des vêtements civils pour Franz, qui sont hélas peu présentables, et deux bicyclettes. Je décide de sortir de Lannion, en laissant, pour l'instant, les armes sur place.
A la sortie de la ville, sur la route de Tréguier, nous voilà, poussant nos vélos à la main, et je fais signe à Franz que nous pouvons rouler.
Nous tombons sur un barrage de feldgendarmes qui fouillent les sacs des ménagères entrant dans Lannion.
Nous ne pouvons pas reculer, nous passons au culot. Les allemands tout occupés à leur besogne ne nous demandent rien ! L'émotion passée, je commande à Franz de monter sur la bicyclette, c'était la première fois qu'il montait sur un vélo.
Nous parcourons 5 kilomètres, pour rejoindre mon groupe dans une petite ferme tenue par la famille MARTIN à Garic en Lanmérin à la limite de Rospez, Lanmérin et Quemperven, Franz est mis sous surveillance rapprochée dans un grenier à foin durant deux jours.
A notre arrivée, on sait ce que c'est, un allemand, quand même ! On n'est pas tout à fait tranquille. Il s'en rend compte lui-même ; il me l'a dit plus tard.
Il a compris que nous montions la garde, autour de lui, à tour de rôle, et qu'il y avait toujours un pistolet chargé au cas ou...
Un autre Autrichien, viennois, le sergent Adolph Pernod était en rapport avec la Résistance au camp d'aviation de Servel, il était à un moment sur le point de rejoindre la Résistance.
Dans les FTP
Il en est ainsi jusqu'à cette attaque du 17 juin 1944, attaque des feldgendarmes de Plouaret, à laquelle je décide de faire participer Franz.
Et après l'avoir vu tirer avec son Mauser sur des gendarmes allemands, il n'est plus question de méfiance, Franz participe d'ailleurs, par la suite, à tous les combats, contre les troupes nazies.
Il m'a fait comprendre, un jour, que son oncle était enfermé dans un camp de concentration et qu'un de ses frères avait déserté, à l'Est pour rejoindre l'armée soviétique, l'Armée Rouge.
Il participe de façon très efficace à de nombreux actes de résistance, et en particulier le combat de Coat--Névénez en Pommerit-Jaudy le 9 juillet 1944, où les allemands perdirent plusieurs dizaines des leurs, l'expérience militaire de Franz nous aida considérablement, en particulier il interpréta et traduisit les ordres des allemands qui permirent aux maquisards de répondre coup pour coup à toute tentative d'encerclement du maquis.
Il participa également à la libération du secteur Lannion - Perros-Guirec du 6 au 10 août 1944, où il me servit d'interprète lors de la reddition des 599 allemands au fort de Mez-Gouez à La Clarté en Perros-Guirec, hésitant un moment à y aller craignant d'être reconnu, mais grâce à une tenue de parachutiste américaine flambant neuve il put passer inaperçu.
Il continua le combat à mes côtés jusqu'à la libération de Tréguier le 15 août 1944 ".
Pour être en règle en cas de contrôle d'identité la résistance lui procura une fausse carte d'identité de citoyen français au nom de François LE FLEM, né le 3 février 1921 à Carentan dans la Manche, de profession comptable et demeurant au quai de l'Aiguillon à Lannion (mesurant 1.79 m et de cheveux blonds), carte établie par la mairie de Lannion le 17 février 1943 (sans doute par Mr ALLAIN, futur directeur de l'hôpital de Lannion).
Lors du défilé commémorant la Libération de Lannion, vers le 20 août 1944, Franz faisait partie du groupe de tête composé de neuf patriotes, derrière le chef incontesté le Capitaine MAURICE, il était au dernier rang à droite, son fusil Mauser sur l'épaule et un béret sur la tête.
Ces neuf patriotes avaient été choisis parmi les blessés et les plus valeureux.
" Il continua la lutte en allant combattre à nos côtés sur le front de Lorient à partir du 20 septembre 1944 au sein du 16ème bataillon 1ère compagnie FFMB (Forces Françaises du MorBihan) détachement de l'Atlantique où il fut blessé au front par un éclat de mortier au front le 11 octobre 1944 à 21 h au cours d'un accrochage avec une forte patrouille allemande dans le secteur de Kervignac. Il fut hospitalisé au 2nd Platoon Field Hospital
(hôpital de campagne américain) de Plouay dans le Morbihan. Une fois rétabli il retourna rejoindre ses camarades sur le front.
Il faut saluer le grand courage de Franz.
Coïncidence ? La désertion de Franz suit la date du 16 mai 1944 où les nazis commencent les fusillades de patriotes à Servel.
A son retour en Autriche le 22 février 1946, Franz reprend ses études pour devenir professeur d'histoire - géographie.
Franz retrouve d'anciens camarades de Servel, l'unité à laquelle il appartenait avait été envoyée sur le front Russe avec à leur tête leur capitaine, plusieurs d'entre eux furent tués.
En octobre 2000 au congrès national de l'ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants et Amis de la Résistance) à Saint-Brieuc, Serge TILLY s'est trouvé au cours d'un repas attablé à côté d'une Autrichienne, il lui a parlé de Franz, ignorant où il vivait. Cette dame avec le peu de renseignements donnés nous a communiqué après des recherches ses coordonnées, c'est ainsi que Serge TILLY a renoué le contact offrant à l'occasion une série d'ouvrage sur la Résistance dans notre département à Sfefan un des petits fils de Franz.
Franz nous a quitté le 17 septembre 2004 à la suite d'une courte maladie l'ayant rendu en partie paralysé, il avait trois filles Andrea, Claudia et Katja et cinq petits enfants avec lesquels Serge TILLY entretient des relations amicales. Parmi ses petits enfants, trois garçons qui s'intéressent particulièrement au passé de leur grand-père, c'est pour cette raison qu'ils apprennent le français à l'école, leur grand-père était toujours fier de le parler.
Les anciens Résistants ceux qui l'ont côtoyé n'oublieront jamais le combat courageux que mena Franz. Les femmes de Lannion se souviennent de Franz comme d'un bel homme athlétique à la chevelure blonde.
Les jeunes générations de français doivent savoir que allemands, et des autrichiens luttèrent contre le régime bestial nazi, nombre d'entre eux furent assassinés ou exterminés dans les camps de concentration et cela dès 1934.
Le passé de Franz n'est pas connu en Autriche, il est toujours considéré comme un déserteur, c'est pour cette raison que seule sa famille est au courant, ses enfants et ses petits enfants peuvent être fiers du passé de leur père et grand-père. Cela prouve que tous les allemands et tous les autrichiens n'étaient pas des nazis.
La municipalité de Lannion s'honore en ayant baptisé en 2007 une rue de sa ville au nom de Franz PETREI.
On peut penser que Franz devaient connaître la phrase qui suit écrite par un inconnu : "lorsque l'ordre est infâme, la désobéissance est un devoir".
Franz Petrei sur le Front de Lorient
Franz Petrei sur le Front de Lorient
à gauche avec deux autres FFI LA FAMILLE DE FRANZ PETREI
EN VISITE A LANNION